Ce 29 juin, le château de Bouisse accueillait pour la onzième fois la journée René Nelli à Bouisse, organisée par l’Association d’études du Catharisme / René Nelli qui posait cette année une question sulfureuse : « Le catharisme est-il une réalité, une invention ou un mythe construit ? ».
À l’invitation de Philippe Ramon, neveu de René Nelli, héritier du château de Bouisse et président de l’AEC, la soixantaine de participants fut accueillie dès le matin par Hervé Baro, premier vice-président du conseil départemental de l’Aude et par André Delfour, 1er adjoint au maire de Bouisse, tous deux très attachés à l’identité occitane et à l’histoire locale. Hervé Baro eut à cœur de mentionner dans son discours d’introduction à la journée que le slogan emblématique « Aude, pays cathare » serait sciemment maintenu en vigueur et même développé avec des applications informatiques à télécharger. Il rappelait aussi que le département de l’Aude s’était engagé dans l’obtention d’une troisième inscription au patrimoine mondial de l’Unesco avec le projet des « Citadelles du vertige », fédérant autour de la Cité de Carcassonne les châteaux de Lastours, Aguilar, Quéribus, Peyrepertuse, Puilaurens, Termes et Montségur. Le département de l’Aude poursuit donc son attachement au catharisme en associant son territoire aux valeurs fortes du patrimoine.
La parole vint ensuite aux conférenciers. Philippe Martel, avec une fascinante mise en lumière des manipulations politiques dont furent l’objet, le catharisme et la croisade des Albigeois sans omettre l’instrumentalisation du souvenir cathare dans les débats idéologiques des deux derniers siècles. Michel Roquebert, historien et président d’honneur de l’AEC / René Nelli parle depuis quatorze ans de « déconstructionnisme » face aux études des historiens universitaires qui nient l’existence d’une religion cathare organisée au moyen-âge sur les terres des Comtes de Toulouse ; un résumé filmé de son intervention du 12 mars 2019 à Montpellier faisait prendre conscience de l’ampleur des bouleversements à attendre de ces nouvelles méthodes basées sur la négation, méthodes issues du champ de la philosophie (Jacques Derrida) et transposées abusivement à celui de l’Histoire. L’utilisation de ce concept peut entrainer bien au-delà des hérésies médiévales et du catharisme occitan. Charles Peytavie, historien médiéviste et spécialiste du catharisme, a remarquablement fixé le cadre de la controverse actuelle sur l’invention du catharisme avec un recensement minutieux et critique des principaux courants historiographiques. Franc Bardou, écrivain, poète occitan et spécialiste de l’œuvre de René Nelli concluait la matinée en présentant sa vision du catharisme de René Nelli : un christianisme de combat social.
Après le déjeuner aux conversations animées, l’assistance regagnait la fraicheur du château pour y entendre Annie Cazenave, historienne spécialiste de la pensée médiévale et ingénieur émérite au CNRS, parler de l’aveu : repentir, résignation ou calcul. Au travers de la procédure inquisitoriale, Annie Cazenave mettait l’accusé d’hérésie au centre de la réflexion, avec ses propres stratégies, et nous livrait un portrait social et humain, terriblement vivant et transgénérationnel.
Cette journée bien remplie et source de réflexions s’achevait par un spectacle poétique et musical. Les Baladins d’Icarie interprétaient « le chant des brulés », chanson de geste bilingue occitan-français, créée et interprétée par Elrik Fabre-Maigné. L’auteur a porté sa rêverie poétique au pied du château de Montségur où Corba de Péreille et plus de deux cents Parfaits cathares et croyants furent brûlés vifs le 16 mars 1244. Un moment hors du temps, sublimé par deux musiciens de grande valeur, Christophe Deslignes et Eva Fogelgesang, et par Pascale Respaud, récitante en occitan. Un moment fort, teinté d’émotion, devant la cheminée monumentale du château de Bouisse, concluant « parfaitement » cette journée d’exploration de nos racines les plus sensibles, voire chatouilleuses.